Des maisons réduites en gravats, des promesses non tenues et une attente interminable. À Kahone, un collectif de 135 familles expropriées en 2020 pour l’élargissement de l’aérodrome de Kanda lance un appel désespéré au nouveau président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko. Leurs habitations, pourtant achetées avec des titres fonciers authentiques délivrés par la municipalité, avaient été démolies après une sommation de l’État. Malgré l’intervention en 2021 de l’ancien président Macky Sall – qui avait ordonné des compensations financières et des terrains de relogement, 23 familles n’ont toujours rien reçu, et aucun des titres promis n’a été matérialisé .
« C’est après la démolition que nous avons créé le collectif. Macky Sall avait instruit les services compétents pour nous donner des terrains et des appuis financiers… Mais jusqu’ici, rien », témoigne Cheikh Cissé, l’une des victimes. Il martèle : « Sur 135 bénéficiaires de titres fonciers depuis octobre 2021, personne n’a vu son terrain »
Parmi les oubliés, une veuve éplorée raconte son calvaire : « Je suis en location avec mes enfants. J’avais investi toutes mes économies dans cette maison. Un beau jour, les autorités l’ont démolie. Depuis 2020, je souffre sans assistance ». Elle implore les nouvelles autorités : « J’appelle au sens des responsabilités du président Faye et du Premier ministre Sonko. Nous sommes fatigués » .
Un test pour la « rupture » promise
L’affaire de Kahone cristallise les attentes de justice sociale portées par l’élection de Bassirou Diomaye Faye, dont la campagne s’est appuyée sur la lutte contre la corruption et la souveraineté foncière. Son gouvernement, qui a fait de la révision des contrats miniers et immobiliers une priorité , est désormais interpellé pour résoudre ce « drame social ». Les victimes réclament : la matérialisation immédiate des titres fonciers attribués en 2021 ; des compensations financières pour les 23 familles exclues ; une enquête sur la gestion des dossiers sous l’ancien régime .
« Leur mandat s’est construit sur la promesse de rendre au peuple ses droits confisqués. Kahone est un premier test », souligne un militant des droits fonciers à Dakar. Alors que le Sénégal célèbre depuis avril une nouvelle ère politique incarnée par Faye et Sonko – tous deux libérés de prison en mars 2024 avant leur victoire électorale –, les habitants de Kahone attendent désormais que la « rupture » promue par le pouvoir se traduise par des actes. Le temps des paroles, pour eux, est révolu.