Le Sénégal vit un moment décisif.
Un moment où la vérité économique, longtemps maquillée, se révèle à nous avec une brutalité inattendue.
Un moment où la confiance des investisseurs se teste, où les chiffres bousculent les certitudes, où les institutions financières scrutent la capacité d’un pays à assumer son destin.
Mais c’est aussi un moment où le peuple sénégalais se rappelle que notre souveraineté n’est pas un slogan, mais une discipline. Une méthode. Une responsabilité collective.
1. Une économie prometteuse, mais minée par un héritage lourd
On nous parle d’hydrocarbures, de croissance à deux chiffres, de revenus futurs.
Tout cela est vrai. Le Sénégal fait partie des pays qui ont le plus fort potentiel de croissance en Afrique grâce :
• au gaz naturel de GTA,
• au pétrole de Sangomar,
• à la montée en puissance du numérique,
• à l’essor du privé sénégalais dans des secteurs comme les télécoms.
Mais derrière cette promesse, il y a aussi une réalité : la dette du Sénégal a été mal gérée, mal déclarée, parfois dissimulée. L’État a découvert, à travers des audits, l’existence d’engagements financiers importants qui n’avaient jamais été communiqués aux institutions internationales ni au peuple.
Ce mensonge économique a eu un coût :
⁃ la confiance des marchés s’est effondrée ;
⁃ les obligations sénégalaises ont perdu de la valeur ;
– les investisseurs exigent des taux plus élevés ;
⁃ et notre marge de manœuvre budgétaire s’est rétrécie.
Nous payons aujourd’hui le prix d’années d’opacité.
2. Le débat sur le FMI : humiliation ou responsabilité ?
Depuis plusieurs semaines, le Sénégal discute avec le Fonds monétaire international.
Certains y voient une humiliation.
D’autres un passage obligé.
La vérité est plus simple et plus exigeante :
Le FMI n’est pas un maître ; mais il n’est pas non plus un ennemi.
C’est un partenaire technique, indispensable lorsqu’un pays veut rétablir la vérité de ses comptes et parler au monde avec crédibilité.
La question centrale n’est donc pas :
Faut-il accepter la restructuration ou la refuser ?
La vraie question est :
Avons-nous un plan souverainiste suffisamment solide pour convaincre sans devoir nous humilier ?
Ce que les investisseurs attendent, ce n’est pas la soumission.
Ils attendent la clarté.
La discipline.
La cohérence.
3. Le danger réel : la crise de confiance, pas la crise de finances
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Sénégal n’est pas en faillite.
Le vrai danger est ailleurs :
⁃ c’est la crise de confiance qui fragilise notre capacité à emprunter, à investir, à financer les infrastructures, à soutenir le pouvoir d’achat.
Dans ce contexte, chaque mot compte.
Chaque déclaration officielle influence les marchés.
Chaque proposition doit être réfléchie, structurée, étudiée.
Nous ne pouvons pas nous permettre l’improvisation.
Pas dans un moment comme celui-ci.
4. L’espoir et la lucidité : le Sénégal peut surmonter ce choc
Le pays est en difficulté, mais il n’est pas en déclin.
Le Sénégal a traversé des crises plus profondes, et il s’en est toujours relevé.
Et cette fois, il dispose d’atouts majeurs :
1. Les hydrocarbures vont renforcer les recettes de l’État
Mais à condition qu’ils soient gérés avec rigueur, transparence et justice.
2. Le secteur privé national, notamment les télécoms, reste dynamique
Sonatel affiche une croissance remarquable, preuve que l’économie réelle n’est pas à l’agonie.
3. Le capital humain sénégalais est exceptionnel
Une jeunesse nombreuse, ambitieuse, ouverte.
Un peuple travailleur.
Une diaspora puissante.
4. Le pays reste stable et crédible
La transition démocratique réussie a renforcé l’image du Sénégal dans le monde.
Avec une gouvernance économique exigeante, ces forces peuvent rapidement inverser la tendance.
5. La voie souverainiste : discipline, rigueur et justice
La souveraineté économique n’est pas un refus des institutions internationales.
Ce n’est pas un discours agressif ou bravache.
Ce n’est pas la tentation de l’isolement.
La souveraineté, la vraie, c’est :
La discipline budgétaire
Réduire le train de vie de l’État.
Mettre fin aux dépenses improductives.
Rationaliser les structures.
La transparence totale
Fin du secret sur la dette.
Publication des engagements.
Contrôle citoyen renforcé.
La justice sociale
Protéger les ménages.
Cibler les subventions.
Accélérer les investissements créateurs d’emplois.
L’investissement productif
Routes, agriculture, énergie, formation professionnelle, digitalisation.
Une souveraineté sans rigueur n’est qu’un slogan.
Une rigueur sans justice n’est qu’une punition.
Nous avons besoin des deux.
6. Message au peuple : ne cédons ni au déni ni à la panique
Le moment est difficile, mais il est gérable.
Nous devons refuser deux pièges :
Le déni
Dire que tout va bien alors que les signaux sont alarmants.
La panique
Croire que le pays est au bord de l’effondrement.
La vérité est entre les deux.
Nous sommes dans un virage :
si nous prenons les bonnes décisions, le Sénégal en sortira plus fort, plus souverain, plus respecté.
Conclusion : reconstruire la confiance, ensemble
Aujourd’hui, nous devons accepter deux réalités :
• Nous héritons d’un passé économique opaque.
• Nous disposons d’un futur économique exceptionnel.
Entre ces deux réalités, il y a une route à tracer :
celle de la vérité, de la rigueur et de la souveraineté responsable.
Le Sénégal n’est pas en crise d’avenir.
Il est en crise de confiance.
Et la confiance se reconstruit.
Par le courage, par la transparence, et par l’unité du peuple sénégalais autour de l’intérêt supérieur de la Nation.
Par Mouhamed Moustapha Diop
Vice-président du FNDR
