Dans le contexte des discussions parlementaires en cours, portant sur les quatre projets de ioi précités, et dans un esprit collaboratif, les organisations de la société civile signataires partagent quelques réflexions et pistes d’amélioration afin de favoriser une meilleure appropriation du futur arsenal législatif et de dissiper les craintes des différents acteurs et des parties prenantes, les acteurs de la société civile ont fait face à la presse, ce jeudi 21 août 2025.
Tout en saluant l’importance de disposer de lois pour l’amélioration de la gouvernance des ressources publiques, de la transparence et de la moralisation de la vie publique, la société civile interpelle sur la nécessité de procéder à des ajustements afin de garantir davantage la crédibilité de l’arsenal normatif et d’éviter les risques d’inefficacité dans la mise en oeuvre du dispositif légal pouvant compromettre l’atteinte des objectifs assignés auxdits projets de loi, à savoir:
II.1. Le projet de loi portant statut et protection des lanceurs d’alerte
1.1. Les critères de définition de la notion de lanceurs d’alerte (Article 1) ne prennent pas en compte le critère de désintéressement qui est essentiel pour garantir l’absence de contrepartie financière dans le signalement, la communication ou la divulgation des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation de violation affectant la gestion des finances.
1.2. L’imprécision de la notion subjective de « bonne foi >> pouvant entrainer une insécurité juridique pour les lanceurs d’alerte; d’où l’importance de privilégier d’autres critères tels que l’absence de contrepartie financière directe (critère de désintéressement).
1.3. Le champ d’application du projet de loi est limité aux crimes et délits financiers sans prise en compte des domaines essentiels tels que la santé publique ou l’environnement.
1.4. L’assimilation des prête-noms aux lanceurs d’alerte peut provoquer une confusion entre complices d’infractions et dénonciateurs compromettant l’esprit du texte (Article 3).
1.5. La désignation du référent interne pour l’évaluation des informations transmises par le lanceur d’alerte ne met pas l’accent sur la déontologie des personnes à désigner (Article 6).
1.6. La procédure de signalement ou de divulgation reste rigide et n’intègre pas les situations d’urgence pouvant compromettre l’intérêt général (Article 8).
1.7. La récompense financière des lanceurs d’alerte ou prête-nom par versement de 10% du montant recouvré (Articles 19 et 20) peut provoquer des alertes abusives qui nuisent aux droits des personnes concernées par l’alerte.
.8.
Le Fonds spécial de recouvrement des biens ou avoirs illicites risque de créer un chevauchement avec l’ONRAC (Article 17).
11.2. Le projet relatif à l’accès à l’information
2.1. Le champ d’application du projet de loi exclut les informations relatives au secret industriel et commercial sans tenir compte de la nécessité de demander des informations nécessaires à l’exercice des droits ou à la protection de l’intérêt général (article 2, point 7).
2.2.La composition de la Commission nationale d’accès à l’information (CONAΑΙ) n’est pas équilibrée et favorise une sur-représentation des institutions et structures de l’État (Article 28).
2.3. Le projet de loi (Article 22), pose le principe de la gratuité de l’information en prévoyant la possibilité de communication d’une information nécessitant des frais. Il est souhaitable de garder la gratuité de l’accès à l’information pour les usagers et pendant tout le processus.
II.3. Le projet de loi sur la déclaration de patrimoine
3.1. Le projet de loi ne précise pas, dans son corps, l’obligation de déclaration d’intérêts annoncée dans l’exposé des motifs et évoquée dans les dispositions transitoires et finales (Article 19). Or, par souci de clarté, il faut définir la déclaration dans la loi qui renvoie à toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
4. Le projet de loi ne prévoit pas l’obligation et les conditions de la déclaration de patrimoine du Président de la République en fin de mandat présidentiel.
4.1. Il est prévu que l’organe anti-corruption met à jour la liste des assujettis à la déclaration de patrimoine sans aucune indication sur les moyens appropriés (Article 2, alinéa 4).
4.2. Le projet ne détermine pas la périodicité de la publication de la liste des assujettis ayant déclaré leur patrimoine ainsi que celle des assujettis défaillants par tout moyen approprié (Article 5).
4.3. Sur les sanctions liées à l’absence de déclaration de patrimoine à l’entrée et à la cession de fonction, il est prévu la possibilité de prononcer une interdiction d’exercer une fonction publique et élective à titre de peine complémentaire. Ce point mérite d’être encadré pour éviter les risques d’abus ou d’instrumentalisation (Article 16, alinéa 2).
4.4. Le projet de loi ne prend pas en compte la publication de la déclaration de patrimoine qui reste la bonne pratique en la matière (Article 18). Le caractère confidentiel demeure.
4.5. Sur la liste des assujettis annexés à la loi, il est prévu l’obligation de déclaration pour toute personne dont la signature donne accès aux ressources publiques notamment pétrolières, gazières et minières… (Section 9 de l’annexe). Cette disposition doit être étudiée en corrélation avec les 32 du Code minier de 2016.
et 55, 67 du Code pétrolier de 2019 qui prévoient déjà la lutte contre les conflits d’intérêts dans le secteur extractif et les articles 633 et 667 du Code général des impôts qui exigent la déclaration des bénéficiaires effectifs.
II.4. Le projet de loi portant création de l’Office national de lutte contre la corruption (OFNAC)
4.1. Le projet de loi prévoit que l’OFNAC peut s’appuyer sur les lanceurs d’alerte dans le cadre de ses enquêtes et investigations (Article 18, alinéa 2). De même, il mentionne la saisine de l’OFNAC par les lanceurs d’alerte et prête-noms de biens, fonds ou d’avoirs criminels (Article 34). Il est important de veiller à l’articulation normative avec la loi sur les lanceurs d’alerte.
4.2. Parmi les missions, il est indiqué que l’OFNAC reçoit les déclarations de patrimoine conformément aux dispositions de la loi sur la déclaration de patrimoine et d’intérêt et les publie (Article 28). Pour éviter toute confusion, il faut prévoir clairement dans la loi les conditions de publication des déclarations par l’OFNAC, au-delà, de la procédure confidentielle de déclaration.
Cependant la société civile a soumise sa contribution écrite a la commission des lois de l’Assemblée Nationale et reste a son entière disposition pour un échange fructueux autour des différents points soulevés.