Dakarmidi – Par la volonté du Chef de l’Etat, le rapport d’enquête de l’Inspection Général d’Etat au sujet de la caisse d’avance de la ville de Dakar a connu un traitement qui a conduit le maire Khalifa Ababacar Sall devant les enquêteurs de la Division des Investigations Criminelles (DIC). Dans un Etat de Droit, une telle procédure ne mériterait aucune polémique si elle répondait essentiellement à un impératif de reddition des comptes. Malheureusement, dans le cas d’espèce, le doute n’est point permis : il s’agit plus d’une opération de solde des comptes qu’une volonté réelle de matérialisation du principe de reddition des comptes.
Les multiples scandales politico-financiers qui ont rythmé la gouvernance du pays depuis l’avènement du nouveau régime étaient autant d’occasions pour le Chef de l’Etat de prouver, par des choix politiques forts, son attachement indéfectible au principe de reddition des comptes. Hélas, après presque cinq années d’exercice du pouvoir, que d’occasions manquées !
S’il est admis qu’en tant que mandataire et justiciable, Khalifa Ababacar Sall doit répondre de sa gestion devant ses mandants et, au besoin, devant les juridictions compétentes, il ne devrait pas en être autrement pour les autres personnalités politiques qui assument des charges publiques. Le régime actuel perdrait toute crédibilité à ne s’occuper que de « riz » et de « mil » à la ville de Dakar, tout en bandant les yeux devant les cas multiples de malversation financière révélés par des rapports d’enquête ou d’audit d’organes de l’Etat tels que l’IGE, la Cour des Comptes, l’ARMP et l’OFNAC, et impliquant des responsables du parti au pouvoir. Nous avons encore en mémoire le limogeage en catastrophe de Madame Nafi Ngom Keita de la direction de l’OFNAC, à un moment où elle envisageait de mener une enquête sur l’affaire Pétrotim, un scandale dans lequel Aliou Sall, frère du président de la République, est cité. Par ailleurs, sur la liste des membres du régime précédent mis en accusation par la CREI, exceptés quelques lampistes et Karim Wade, tous les autres qui ont choisi de se recycler dans le régime actuel bénéficient d’une immunité que semble conférer le statut de transhumant politique.
Dans des circonstances pareilles, soutenir que la convocation de Khalifa Ababacar Sall à la DIC n’est sous-tendue que par un souci de reddition des comptes, est une insulte à l’intelligence des Sénégalais. Garantir l’impunité à son frère, ses partisans et ses alliés, et se servir, au même moment, de l’appareil d’Etat comme support pour neutraliser des adversaires, ne traduit un quelconque génie politique, mais relève plutôt d’un abus de pouvoir. Ce qui est une option politique très peu honorable pour un Homme d’Etat. La propension du régime de Macky Sall à sortir les organes de l’Etat de leur neutralité, de leur impartialité et de leur sacralité, pour servir d’exécutoire à des manœuvres politiques destinées à combattre des opposants, est un danger qui menace gravement notre système démocratique. Le Chef de l’Etat s’est servi de la CREI comme instrument pour fragiliser Karim Wade et hypothéquer sa candidature à la présidentielle de 2019. La gestion de la caisse d’avance de la ville de Dakar est en passe d’être un prétexte pour écarter Khalifa Sall de la compétition. A ce rythme, le président Macky Sall risque de se substituer au Conseil constitutionnel pour choisir, de manière arbitraire, les candidats auxquels il devrait faire face au prochain scrutin présidentiel.
A la veille d’une compétition électorale, si le Chef de l’Etat veut professer à ses adversaires des leçons de gestion saine et transparente des ressources publiques, il serait bien inspiré d’appliquer la pédagogie de l’exemple. Les « fonds politiques » logés à la présidence de la république et laissés à sa seule discrétion sont gérés dans une opacité telle qu’aucune institution de la République ne peut s’assurer qu’ils servent réellement à l’intérêt national, conformément à leur objet. S’il choisit la continuité dans la gestion nébuleuse de ces fonds, après avoir pourtant souscrit à un engagement de rupture, et s’acharne sur la gestion de ses adversaires, il s’engage dans une opération de règlement de comptes politiques qui doit, dès lors, épargner les organes de l’Etat.
Serigne Assane KANE
Membre de la JDS (Jeunesse pour la Démocratie et le
Socialisme)
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