Le président français Emmanuel Macron rencontre la chancelière allemande Angela Merkel près de Berlin pour préparer le Conseil européen du 28 et 29 juin. Au menu, notamment la nouvelle crise des migrants, provoquée par la montée de l’extrême droite dans plusieurs pays de l’Union. L’« Aquarius » et ses 630 migrants, secourus en mer mais dont l’Italie a empêché le débarquement, hante les esprits.
Le nouveau ministre italien de l’intérieur Matteo Salvini, chef de file de la formation d’extrême droite La Ligue, ne veut plus accueillir des migrants secourus en mer. Les atermoiements autour de l’Aquarius ont bien failli provoquer une crise entre Rome et Paris. La gestion de l’arrivée des migrants en Italie a complètement changé en quelques années. Yves Pascouau, chercheur à l’université de Nantes, rappelle qu’en 2013, lorsque les migrants qui traversaient la Méditerranée se noyaient par centaines, le mot d’ordre des autorités italiennes était de les sauver. Cinq ans plus tard, il s’agit simplement de les empêcher de débarquer dans le pays.
La position de l’Italie arrange les autres pays de l’Union
Et l’Italie n’est pas le seul pays européen qui ne veut plus recevoir des migrants. Même son de cloche en Autriche, où la formation d’extrême droite FPÖ est entrée au gouvernement. Et Yves Pascouau cite aussi les pays du groupe de Visegrad, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque, mais également le Danemark et la Belgique, donc pas moins de huit pays au total où les ministres de l’Intérieur sont hostiles à l’immigration ou tout du moins ouvertement en faveur de politiques restrictives
Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, souligne que ce qui se passe aujourd’hui, notamment en Italie, arrange de manière très hypocrite les autres pays de l’Union, puisque c’est l’Italie et la Grèce qui ont dû porter le poids de l’arrivée des réfugiés depuis des années. Le fait que l’Italie décide de fermer ses ports et ses frontières arrange y compris la France, qui a fermé elle-même se frontières avec l’Italie, au mépris de toutes les règles européennes.
Des migrants qui n’ont aucune chance d’obtenir l’asile en Europe
Le président Emmanuel Macron cherche des solutions à la nouvelle crise des migrants. Il aborde ce sujet ce mardi 19 juin avec la chancelière Angela Merkel. Lors de sa récente rencontre avec le nouveau Premier ministre italien Giuseppe Conte, il a dressé un tableau assez sombre de la situation : « Parmi ceux qui arrivent, il y a des femmes et des hommes qui n’ont aucune chance d’obtenir l’asile en Europe ; qui prennent tous les risques ; qui meurent dans la Méditerranée ; qui errent ensuite en Europe pendant des mois, avant d’être ou reconduits dans leurs pays d’origine, ou de vivre dans des conditions indignes en Europe, parce qu’on ne sait pas les reconduire dans les pays d’origine. »
Angela Merkel subit la pression de ses alliés de la droite dure bavaroise
De son côté, la chancelière Angela Merkel est sous pression au sein de sa coalition, au sujet de la politique migratoire. Le ministre allemand de l’Intérieur Horst Lorenz Seehofer fait partie de la CSU, les conservateurs bavarois, et il vient de poser un ultimatum à Angela Merkel : soit elle trouve une solution avec les partenaires de l’Allemagne au Conseil européen, soit le ministère va commencer à refouler les migrants arrivant d’un autre pays européen. La CSU est sur un ligne très dure, qui peut mener à l’éclatement de la coalition, car sa majorité en Bavière est menacée par l’essor de l’extrême droite allemande, l’AfD.
Mais la surenchère anti-migrants est dangereuse. Johann Chapoutot considère que la course à la domestication de l’extrême droite par la droite, voire par une partie de la gauche, ne fonctionne pas. Le fait de vouloir assécher le vivier de l’extrême droite en reprenant ses thèmes, ses idées et son vocabulaire, aboutit à une droitisation dure des partis de droite, voire des partis de gauche. Et l’extrême droite sort renforcée, elle est se trouve légitimée politiquement et culturellement.
Source; RFI