Lentement, Henri Konan Bédié fait son entrée au siège du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). L’opposition, presque entièrement rassemblée, le suit dans un joyeux désordre. L’ancien chef de l’État se sait attendu.
On lui a déroulé le tapis rouge, le volume de la musique a été monté, et un petit coussin a été installé dans son fauteuil pour soulager son dos. À la tribune, il écoute les discours qui se succèdent, chacun répétant avec force « qu’il n’y aura pas d’élection dans ces conditions », puis il lâche ces mots dont il a pesé tout le poids?: « Face à la forfaiture, un seul mot d’ordre, irréversible?: la désobéissance civile. »
Ce 20 septembre, Henri Konan Bédié, 86 ans, a franchi un nouveau pas, semblant retrouver dans l’adversité une nouvelle jeunesse. Candidat à la présidentielle du 31 octobre, il fera tout pour empêcher Alassane Ouattara, 78 ans, de briguer un troisième mandat. Car cela ne fait pas de doute?: la rivalité qui les oppose a beau ne pas résumer à elle seule le scrutin à venir, elle en est un élément essentiel.
Cela fait plus de trente ans qu’ils se côtoient. Malgré cela, ils n’ont jamais été amis. « Ils ont toujours été en concurrence, confie une source proche des deux hommes. Il y a toujours eu entre eux une surveillance équivoque, mâtinée de détestation. Mais jamais de réelle estime ou d’affinité. »
Bédié et Ouattara sont bien différents. Le président du PDCI est un taiseux – il en a fait sa marque de fabrique. C’est aussi un homme du terroir, tandis que le candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), volontiers affable, s’est construit dans un monde anglo-saxon.
Leur histoire commune épouse celle de la Côte d’Ivoire indépendante. C’est une pièce en plusieurs actes. Une comédie politique qui voit sans cesse les mêmes personnages revenir sur le devant de la scène. Ils en sont les acteurs principaux et en maîtrisent les rouages comme personne. Après s’être affrontés pour monter sur le trône de Félix Houphouët-Boigny, après s’être alliés contre Laurent Gbagbo, ils sont une nouvelle fois ennemis. Promis : cette fois-ci, c’est leur dernier combat.