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Actualité au Sénégal

Téléprésence : le nouveau contrat social en contexte de rattrapage numérique – Par le Dr Moussa SARR

Samba DioufBy Samba Diouf10 mai 2025Aucun commentaire6 Mins Read
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L’incompréhension et l’implicite de la téléprésence révèlent un déphasage sociotechnique manifeste. En tant que phénomène sociotechnique, la téléprésence engage des régimes de représentation, d’interaction et de symbolisation qui ne sont pas encore assimilés par les structures sociales existantes (Lévy, 2000 ; Moussa Sarr, 2019). Ce que nous, sociologues, appelons la médiation technique se traduit ici par une réduction de la présence à un faisceau de signes instrumentalisés, déconnectés de l’épaisseur symbolique du lien social incarné (Latour, 2005 ; Licoppe, 2004). La communication par téléprésence déplace, voire dissout, la matière relationnelle que sont le regard, le souffle, le silence, la proxémie (Hall, 1966). Ce glissement entraîne un trouble perceptif et interactionnel, souvent indicible, mais profond, qui met en lumière l’impensé culturel de nos usages numériques (Mbembe, 2016 ; Miller et al., 2016).

L’émergence du cyberespace en tant qu’espace d’agir à distance sans la pleine reconnaissance des implicites socioculturels propres aux contextes africains rend encore plus visible ce déphasage (Adeya, 2002 ; Dei, 2004). Les traditions de la palabre, de la transmission par le corps, de la mémoire orale et de la proximité physique ne trouvent que difficilement leur équivalent dans les dispositifs actuels de téléprésence (Niane, 1960 ; Sarr, 2019). L’incompréhension naît alors d’une asymétrie cognitive : les technologies supposent des compétences interactionnelles nouvelles, mais ces compétences ne sont ni formalisées, ni partagées à échelle égale (Hofstede, 2001 ; Hannerz, 1992). Cette fracture cognitive est aggravée par une fracture symbolique : les référentiels culturels n’ont pas encore produit les métaphores, les rituels ni les dispositifs d’encadrement qui permettraient d’habiter ces nouveaux espaces d’échange avec sens et maîtrise (Diagne, 2013).

Dans les pays africains en quête de souveraineté numérique, cette situation est critique (Tandia, 2020). La téléprésence est souvent réduite à une technologie d’importation, déployée sans enracinement culturel ni autonomie technique (Miller & Slater, 2000 ; Sarr, 2021). L’économie de la présence à distance est ainsi dominée par des plateformes globales qui imposent leur architecture, leur épistémologie, leurs normes implicites (Couldry & Mejias, 2019). Cette hégémonie technique se double d’une domination cognitive : les langues africaines sont marginalisées, les logiques communautaires sont dissoutes dans des modèles individualistes, et les filières locales de formation sont insuffisamment mobilisées pour penser l’interaction numérique dans ses spécificités (Wiredu, 1996 ; Sarr, 2023). La téléprésence ne peut être réduite à un simple instrument. Elle transforme le régime de la socialité et, ce faisant, exige une réponse politique, symbolique et culturelle.

Face à ce constat, il est urgent d’imaginer un nouveau contrat social adapté au monde numérique (Benhabib, 2011 ; Sarr, 2020). Ce contrat ne saurait être une simple déclinaison des chartes éthiques occidentales. Il doit être pensé depuis les territoires, les histoires, les langues et les aspirations des peuples africains (Nyerere, 1968 ; Appiah, 1992). Ce contrat social numérique devrait être fondé sur quatre piliers : la souveraineté cognitive, la capacité technologique, l’inclusion éthique, et la pertinence culturelle (UNESCO, 2021 ; Sarr, 2024). La souveraineté cognitive suppose que les sociétés puissent produire leurs propres catégories de pensée pour décrire et encadrer les transformations numériques (De Sousa Santos, 2007). Elle implique la mobilisation des savoirs endogènes, des cosmologies locales, et des modes d’expression ancrés dans les langues nationales (Oyewumi, 1997). La capacité technologique désigne l’aptitude à maîtriser les infrastructures, à concevoir des outils adaptés et à s’affranchir des dépendances structurelles (Munyua, 2000). L’inclusion éthique renvoie à la nécessité de penser la justice numérique, c’est-à-dire l’accès, l’usabilité, la capacité d’agir et la représentation équitable des différents groupes sociaux (Fricker, 2007 ; Noble, 2018). Enfin, la pertinence culturelle impose de développer des interfaces, des usages et des représentations qui résonnent avec les imaginaires collectifs locaux (Mudimbe, 1988).

Le cas du Sénégal illustre avec acuité les tensions et les potentialités de cette mutation (Sagna, 2020). Le Plan Sénégal Numérique 2025 affirme une volonté politique de structuration de l’économie numérique et de réduction de la fracture (Ministère de l’Économie Numérique, 2016). Il mise sur des infrastructures locales, la formation des jeunes, la création de contenus africains, et la dématérialisation des services publics. Cependant, cette ambition se heurte à des contraintes multiples : pénurie de ressources humaines qualifiées, dépendance à des technologies exogènes, difficultés de mise en œuvre réglementaire, et surtout, un manque de synchronisation entre les avancées techniques et les transformations culturelles nécessaires (Diop, 2022). Les initiatives de formation aux compétences numériques ne prennent pas toujours en compte les prérequis symboliques des usagers : leurs représentations de la machine, de la présence, de l’identité et de l’altérité (Sarr, 2023).

Il s’agit donc d’aller au-delà de l’accès à la technologie pour penser l’accès au sens. Car le vrai défi de la téléprésence est herméneutique : comment interpréter une présence sans corps, comment traduire des signaux affaiblis dans des contextes de forte symbolisation ? (Turkle, 2011 ; Zuboff, 2019). Les réponses à ces questions ne peuvent être uniquement techniques ou même juridiques. Elles doivent être sociales, culturelles, philosophiques. La téléprésence interroge les catégories fondamentales de l’être-ensemble, du vivre-ensemble, de la co-présence (Goffman, 1963 ; Habermas, 1984). Elle exige de nouvelles formes d’attention, de nouveaux dispositifs de reconnaissance, de nouvelles économies de l’interaction.

Ce travail de refondation du lien social à l’ère numérique est un enjeu stratégique pour les pays africains (Sarr, 2022). C’est à travers cette refondation que pourra émerger une véritable souveraineté numérique, qui ne se réduit pas à la possession de serveurs ou de logiciels, mais qui engage une capacité à penser, nommer, réguler et partager les usages numériques selon ses propres valeurs (Ngugi wa Thiong’o, 1986 ; Achebe, 1975). Cette souveraineté passe aussi par la décolonisation des imaginaires techniques : il ne suffit pas de consommer les technologies des autres, il faut pouvoir se projeter dans ses propres mondes possibles (Escobar, 2018). Dans cette perspective, la téléprésence ne doit pas être subie comme une réduction de la relation, mais réinvestie comme une opportunité de réinvention sociale.

Ce nouvel espace d’expérimentation appelle à la création de laboratoires d’interprétation sociale, de chaires de recherche, de collectifs transdisciplinaires qui mêleraient anthropologues, sociologues, designers, philosophes, codeurs, conteurs (Sarr & Calof, 2024). Il ne s’agit pas simplement d’accompagner le changement, mais de le penser en acteur, depuis l’Afrique, pour l’Afrique, et avec le monde. Car ce décalage entre les usages et les cadres n’est pas propre au continent africain, mais il y prend une intensité particulière, du fait de la double transition numérique et postcoloniale.

L’incompréhension et l’implicite de la téléprésence ne doivent pas être vus comme des faiblesses, mais comme des signaux faibles, des appels à penser autrement, à créer des hybridations, à accoucher de formes neuves de lien social (Bhabha, 1994). Il s’agit de donner sens à l’être-ensemble à distance, d’inventer une proximité sans lieu, une solidarité sans contact, une communauté sans cloison. Le contrat social numérique à venir ne sera pas l’adaptation du passé, mais l’émergence d’un futur. Il nous appartient de le penser avec rigueur, imagination et volonté politique. Dans cet effort, l’Afrique peut être pionnière si elle ose articuler ses résistances, ses ressources culturelles et ses stratégies d’autonomisation en un projet sociotechnique globalement pertinent et localement enraciné.

Dr. Moussa Sarr, Post-Doc en Ingénierie de la connaissance.
Chercheur principal Lachine Lab L’Auberge Numérique

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