Suite à la publication des rapports budgétaires par le ministre des Finances Cheikh Diba, l’ancien ministre Pape Malick Ndour a pris la parole pour déceler des “gap de recette, zones d’ombre, dépenses de confort assurés et investissements oubliés”.
Voici sa tribune :
“1. Moins-value budgétaire : Où sont passés nos 40 milliards ? (Rapport 2025)
Le gouvernement nous doit des explications à ce sujet. En effet, en comparant l’objectif et les réalisations au premier trimestre, près de 40 milliards de francs CFA de recettes manquent à l’appel au cours des trois premiers mois de l’année (Tableau 1, page 5). Et pourtant, il nous avait assuré que le budget était sincère et que les prévisions collaient à la réalité économique.
Ce décalage soulève une question simple : les prévisions budgétaires étaient-elles fiables ? Si oui, où sont passés nos 40 milliards?
2. L’État s’entretient, mais n’investit plus (Rapport 2025)
Alors que les investissements exécutés par l’État plafonnent à 2,64 milliards FCFA au premier trimestre 2025 (dernier paragraphe page 15) et que les transferts en capital chutent de 42,2 milliards en glissement annuel, les dépenses de fonctionnement explosent : 84,65 milliards pour l’achat de biens et services et 463,93 milliards pour les transferts courants.
Le prétexte des lenteurs dans les passations de marchés, brandi à la page 15 du rapport de 2025 pour justifier la faiblesse des investissements exécutés par l’État, ne tient pas. Car lorsqu’il s’agit de payer, acheter ou entretenir l’appareil bureaucratique, les procédures ne semblent pas bloquées. Mais dès qu’il s’agit d’investir pour le bien-être des populations il faut l’approbation préalable de la Primature, comme annoncé en Conseil des ministres.
Ce budget est un budget de confort, pas de rupture. On entretient le quotidien des nouveaux élus en oubliant de s’occuper de la précarité et des urgences des populations. En d’autres termes, toujours nourrir le système et oublier la nation. Pas de transformation systémique, le train de vie de l’Etat explose au détriment des investissements structurants qui sont sensés tirés la croissance. Un exemple frappant : les véhicules achetés par l’Assemblée nationale pour les 165 députés de l’assemblée nationale à environ 8 milliards sont près de 4 fois supérieure à l’ensemble des investissements exécuté par l’Etat au premier trimestre 2025.
Résultat : une croissance asphyxiée, une jeunesse oubliée, et un pays qui tourne à vide.
3. 131 milliards rattachés, 43 milliards évaporés ? (Rapport 2024)
Dans son rapport, la Cour des comptes évoque un montant de 131 milliards de recette recouvrés en 2024 mais comptabilisés dans l’exercice 2023 (Voir premier tableau page 11 du rapport de la Cour des comptes). Le gouvernement avait expliqué que le retard dans la publication du rapport venait justement de l’impérieuse nécessité d’intégrer ces montants.
Logiquement, on aurait dû voir une hausse équivalente dans les recettes. Mais ce n’est pas le cas. Seuls 87,9 milliards supplémentaires apparaissent par rapport aux prévisions de la LFR. Alors, qu’en est-il réellement ? Le gouvernement a-t-il intégré les 131 milliards en totalité ?
Si oui, cela signifie qu’il y’a un gap de 43,1 milliards par rapport aux recettes prévues par la LFR, ce qui rend la LFR 2024 peu sincère. Si non, celà suppose que les chiffres de la Cour ont été modifiés ou revus à la baisse.
Dans les deux cas, le gouvernement nous doit des explications
4. Un Noël budgétaire à 90 milliards ? Explications attendues… (Rapport 2024) ?
La Loi de finances rectificative, votée le 24 décembre 2024, prévoyait 65,2 milliards de dons. Une semaine plus tard, c’est a dire au 31 decembre fin de l’exercice, on découvre que 155,3 milliards ont été reçus. C’est un écart de 90 milliards en quelques jours.
Sachant combien les procédures de mise à disposition des dons sont longues et complexes, il est difficile de croire que cet argent soit arrivé par surprise en toute fin d’année.
Trois scénarios sont possibles :
I. L’État était informé de ce versement, mais a choisi de ne pas l’inclure dans la LFR. Ce serait grave en matière de transparence.
II. Ou bien il s’agit d’un versement exceptionnel de dernière minute, qu’il faut alors justifier clairement.
III. Ou enfin, s’agit il de dons cachés par l’ancien régime et non revelés par la Cour des comptes?
Dans tous les cas, le gouvernement est interpellé.”