L’analyse des accidents industriels passés, où l’exposition à des agents chimiques toxiques a mis en péril la vie des primo-intervenants et des populations avoisinantes, souligne la nécessité de repenser les méthodes d’intervention face à des environnements hautement dangereux et imprévisibles.
Ces événements illustrent l’urgence et la pertinence de l’utilisation de la robotique dans la protection civile, une avancée technologique porteuse de promesses considérables, mais qui soulève des questions juridiques et éthiques fondamentales.
Le Sénégal, confronté aux défis posés par les catastrophes industrielles et naturelles, gagnerait à s’ouvrir à cette perspective, à condition d’établir un cadre juridique et éthique rigoureux.
Face à des scénarios extrêmes, dans quelle mesure l’intégration de la robotique dans les dispositifs de protection civile sénégalaise optimise-t-elle l’efficacité et la sécurité des secours, et sous quelles conditions juridiques et éthiques rigoureuses le Sénégal peut-il l’envisager ?
I. L’impératif technologique : vers une efficacité accrue et une sécurité renforcée des opérations de secours au Sénégal
L’utilisation des robots apporte une valeur ajoutée indéniable aux missions de protection civile sénégalaise, offrant une endurance, une précision et une capacité à opérer dans des environnements extrêmes, supérieures aux capacités humaines.
Le Sénégal, conscient de sa vulnérabilité face aux aléas climatiques (inondations récurrentes) et aux risques industriels, a fait de la préparation aux catastrophes une priorité.
La robotique s’inscrit comme un outil potentiel dans cette stratégie nationale.
A. L’évacuation des risques mortels pour les primo-intervenants, à l’image des catastrophes industrielles
Face à une nappe de gaz toxique ou un incendie industriel, les robots d’exploration (drones analyseurs d’air, robots chenillés) pourraient être déployés en première ligne. Équipés de capteurs chimiques, ils pourraient évaluer en temps réel la concentration de produits toxiques, identifier la source de la fuite et cartographier les zones de danger avant l’engagement des équipes humaines.
Cette reconnaissance robotisée permettrait d’éviter l’exposition fatale, un avantage crucial par rapport aux méthodes conventionnelles.
B. La gestion intelligente des foules et l’optimisation des capacités opérationnelles
Lors de situations d’urgence, des drones équipés de haut-parleurs et des robots de surveillance pourraient être utilisés pour établir et faire respecter un périmètre de sécurité de manière proactive. L’exemple des drones pour la surveillance des digues ou le suivi des inondations dans les zones vulnérables du Sénégal illustre parfaitement cette complémentarité avec l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM).
II. L’ouverture du Sénégal à la robotique : une nécessité conditionnée par l’éthique, le droit et les exemples mondiaux
L’adoption de ces technologies par le Sénégal, si elle répond à un besoin opérationnel crucial illustré par les catastrophes industrielles, doit être encadrée par un cadre juridique rigoureux pour garantir une utilisation éthique et responsable.
Le besoin d’une coordination renforcée entre les différents acteurs (Direction de la Protection Civile, sapeurs-pompiers, secteur privé, etc.) est d’ailleurs un point d’amélioration identifié dans la gestion actuelle des risques.
A. La construction d’un cadre juridique de responsabilité adapté
L’introduction de robots autonomes ou téléopérés soulève des questions de responsabilité en cas de défaillance. Le Sénégal doit légiférer pour attribuer clairement la responsabilité (opérateur, fabricant, État) en cas d’erreur ou d’accident lors d’une intervention.
La transparence des protocoles d’utilisation et la formation rigoureuse des opérateurs sont essentielles pour instaurer la confiance et la sécurité juridique.
La stratégie nationale de protection sociale et de gestion des risques offre un cadre idéal pour y intégrer ces nouvelles dispositions.
B. La primauté de l’humain dans la chaîne de décision et l’inspiration internationale
L’intégration de la robotique dans la protection civile ne vise pas à substituer l’humain par la machine, mais à le renforcer. Bien que les robots puissent opérer dans des environnements mortels, l’expertise humaine, le jugement moral et la décision finale d’engagement, de sauvetage ou d’évaluation de la situation doivent rester sous supervision humaine constante.
Le cadre éthique sénégalais devra garantir que la technologie reste un outil d’assistance et d’optimisation, et non un substitut à l’expertise et au jugement humain.
Le robot est un prolongement de l’action du sapeur-pompier, lui permettant d’agir à distance et en sécurité.
De nombreux pays ont déjà intégré la robotique avec succès, démontrant que l’efficacité accrue va de pair avec une meilleure allocation des ressources humaines :
– Allemagne (Secours en milieux extrêmes) : L’utilisation de robots d’exploration et de déblaiement dans des zones effondrées ou contaminées libère les équipes de sauvetage humaines des tâches dangereuses et répétitives, leur permettant de se concentrer sur la supervision stratégique, la coordination complexe et les opérations de sauvetage direct de victimes accessibles.
– Japon (Secours post-catastrophes et assistance en environnements difficiles) : Des robots spécialisés sont déployés pour inspecter des infrastructures critiques endommagées ou des zones inaccessibles aux humains. Ces robots complètent l’action des équipes d’intervention, permettant une évaluation rapide et sûre de la situation sans exposer le personnel à des dangers, améliorant ainsi la qualité globale de la réponse d’urgence.
– États-Unis (Logistique d’urgence et cartographie) : L’utilisation de drones et de robots autonomes dans la cartographie rapide des zones inondées ou incendiées permet aux gestionnaires de crise de concentrer les ressources humaines sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, telles que la coordination des évacuations, la distribution de l’aide humanitaire et les soins médicaux d’urgence.
– France (Désincarcération et exploration) : Les sapeurs-pompiers utilisent des robots d’exploration pour localiser des victimes dans des bâtiments effondrés ou des tunnels étroits, ou des robots de désincarcération pour manipuler des charges lourdes. L’opérateur humain reste le maître d’œuvre de l’opération de sauvetage ; le robot n’est qu’un outil de haute précision qui exécute les commandes du spécialiste pour atteindre des zones inaccessibles ou trop dangereuses.
Ces exemples illustrent la diversité des applications de la robotique et les bénéfices qu’elle apporte, renforçant l’idée que le Sénégal peut et doit s’inspirer de ces modèles pour moderniser sa protection civile, en mettant toujours l’humain au centre du processus décisionnel.
La compréhension des accidents industriels passés ne doit pas seulement être un souvenir douloureux, mais un puissant catalyseur pour une réflexion proactive sur la modernisation de la protection civile sénégalaise.
L’ouverture à l’utilisation des robots n’est plus une question de modernité abstraite, mais un impératif pratique dicté par la sécurité des vies humaines.
En développant un cadre juridique et éthique solide, le Sénégal peut transformer ces douloureuses leçons du passé en un avenir plus sûr, où la technologie, loin de remplacer le courage et le dévouement des sapeurs-pompiers, viendra renforcer leur action, préserver leur intégrité physique et humaine, et empêcher de tels drames de se reproduire. L’humain reste ainsi l’acteur central et le bénéficiaire ultime de cette révolution technologique.
Président Diaraf SOW
Maître en Administration publique
Diplômé en Gouvernance Internationale de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
Doctorant en Sciences Politiques
Président du parti ADAE/J
Contact: diarafadaej@gmail.com
