Par Abdoulaye Dieng – Entrepreneur
Un remaniement gouvernemental tant attendu vient d’être opéré, dix-huit mois après l’accession au pouvoir du duo Diomaye–Sonko. Il intervient à un moment charnière : la mise en œuvre d’un ambitieux plan de redressement national nécessite une équipe forte, unie et pleinement alignée autour du Premier ministre. Il arrive aussi après une période de tensions palpables autour des styles de gouvernance des deux hommes. L’un incarne la réserve de l’État, l’autre, l’urgence du changement. Deux postures différentes, mais un même objectif.
Les deux hommes sont issus du même parti, le PASTEF, et ont construit ensemble une espérance portée par des millions de Sénégalais. Le pacte fondateur, né du slogan « Sonko moy Diomaye, Diomaye moy Sonko », s’est heurté aux contraintes institutionnelles, mais il reste vivant dans l’imaginaire collectif. La République a ses règles, mais la souveraineté populaire est supérieure. Ce réaménagement gouvernemental apparaît donc comme une bouffée d’oxygène salvatrice. Il témoigne d’un sursaut de lucidité et d’un recentrage bienvenu sur l’essentiel : le projet pour lequel ils ont été élus. Il est à saluer.
Certaines voix dans la presse ont toutefois interprété ce rééquilibrage comme une défaite du président Bassirou Diomaye Faye ou une forme d’abdication. Une lecture à la fois réductrice et injuste. Car en vérité, le président Diomaye n’a fait que se conformer à la volonté populaire.
Il suffit de remonter l’histoire récente pour comprendre les conditions d’accession au pouvoir du président Diomaye. Empêché de se présenter, Ousmane Sonko a fait preuve d’une intelligence politique remarquable en proposant une alternative crédible, fidèle à leur vision commune. Il a porté Diomaye à bout de bras, mobilisé la base, incarné l’espérance. Le peuple l’a suivi. Il a voté pour un duo, pour une direction claire, pour une gouvernance fondée sur la complémentarité. Le peuple sénégalais a voté Diomaye pour que Sonko gouverne. Et dans cette dynamique, le véritable dépositaire du projet demeure Sonko. La responsabilité morale de sa réussite — ou de son échec — lui incombe.
Le Sénégal est une République à régime présidentiel fort. Le président y concentre d’importants pouvoirs : il nomme et révoque le Premier ministre, il est chef suprême des armées, chef de la magistrature suprême et gardien de la Constitution. Mais ces prérogatives, aussi élevées soient-elles, ne suffisent pas à garantir une gouvernance efficace. Il faut aussi l’adhésion populaire. Et cette confiance reste aujourd’hui largement acquise à Ousmane Sonko. C’est une réalité difficilement contestable.
La posture mesurée du président, que certains expliquent par le respect des usages républicains, a parfois donné l’image d’un recul face aux urgences. Justice, souveraineté économique, transformation sociale : les attentes sont fortes. Et le silence du chef de l’État, dans certains moments décisifs, a pu apparaître comme un frein. Ce que certains cercles du système présentent comme un équilibre est en réalité un piège. Car il risque d’isoler le président, de freiner la dynamique du changement, et d’alimenter la frustration d’un peuple impatient.
À tout cela s’ajoute une évidence : dans toutes les grandes démocraties, c’est le chef du parti majoritaire qui gouverne. Ousmane Sonko, président du PASTEF, est le moteur stratégique du projet présidentiel. L’empêcher de gouverner pleinement reviendrait à trahir l’élan populaire qui a porté ce duo au pouvoir.
Malheureusement, nos élites ont trop souvent tendance à se référer à des modèles politiques étrangers, notamment au machiavélisme occidental, qui célèbre la ruse, la conquête solitaire et la trahison calculée. Ce modèle n’est pas le nôtre. Il heurte nos fondements culturels. Notre héritage africain repose sur des vertus telles que la loyauté, la reconnaissance, le respect, le partage, et la fidélité à la parole donnée. Gouverner n’est pas un acte solitaire, mais une entreprise collective enracinée dans l’éthique et dans l’histoire.
Le président Diomaye Faye, en renforçant les marges d’action de son Premier ministre, n’a pas perdu du pouvoir. Au contraire, il a gagné en hauteur. Il a fait le choix de l’intelligence politique, de la fidélité au projet, de la loyauté envers le peuple. Il n’a rien cédé : il a consolidé. Il n’a pas abdiqué : il a assumé. Et c’est précisément ce que l’Histoire retiendra.
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