Dans une nouvelle tribune, l’entrepreneur Abdoulaye Dieng, membre du secteur privé national, appelle à refonder ledit secteur pour accompagner la souveraineté économique du Sénégal.
Voici ses arguments :
« Le Sénégal s’est engagé, sous l’impulsion de ses nouvelles autorités, dans une trajectoire inédite : bâtir une souveraineté économique solide. Cette ambition repose sur la sécurisation des approvisionnements stratégiques — alimentation, énergie, produits pharmaceutiques, matériaux de construction, numérique — et sur le développement de véritables capacités nationales de production afin de réduire notre dépendance extérieure et créer des emplois pour les jeunes. Mais elle ne pourra réussir qu’avec un secteur privé organisé, crédible et patriote.
Le Programme d’Actions Prioritaires (PAP) 2024-2029 illustre cette volonté. Son coût global est estimé à 18.496,83 milliards de FCFA, dont 11.510 milliards financés par l’État, 4.371 milliards mobilisés via des partenariats public-privé (PPP) et 2.615,8 milliards confiés exclusivement au secteur privé national. Une opportunité historique, mais aussi une responsabilité immense.
Pour relever ce défi, l’État engage des réformes dans des domaines cruciaux : la décentralisation, le foncier, l’investissement productif, l’import-substitution et la digitalisation des procédures. L’objectif est clair : bâtir une économie créatrice de richesses et plus résiliente. Mais cette vision se heurte à une réalité : un secteur privé dispersé et trop souvent associé à des pratiques qui fragilisent sa crédibilité, enfermé dans une dépendance chronique vis-à-vis de l’État.
Or, le pari de souveraineté exige tout le contraire : des entreprises qui innovent et produisent, des investisseurs qui s’inscrivent dans le long terme et des dirigeants qui assument un rôle citoyen. La Corée du Sud, la Turquie, l’Éthiopie, le Maroc ou encore le Rwanda ont montré que cela est possible en s’appuyant sur la discipline, la productivité et le patriotisme économique.
C’est dans ce contexte que le Premier ministre a convoqué une rencontre avec le secteur privé national. Mais ce dialogue n’aura de sens que s’il marque une véritable rupture avec les connivences d’hier. La vraie question est là : quel secteur privé pour accompagner le Sénégal ? Un secteur enlisant l’économie dans des pratiques opaques, ou un secteur refondé, discipliné, guidé par la transparence et la responsabilité collective ?
Pour gagner la bataille de la souveraineté économique, le secteur privé doit se réinventer et assainir ses pratiques, tandis que l’État doit jouer pleinement son rôle de stratège : fixer le cap, impulser les réformes, lutter fermement contre la corruption et la dilapidation des ressources, mais aussi créer et protéger de véritables champions nationaux, optimiser l’attribution des marchés publics et faciliter l’accès au financement pour dynamiser les entreprises productives.
C’est à ce prix que nous pourrons bâtir un secteur privé en synergie avec les pouvoirs publics, non pas un fardeau pour la nation, mais un levier de prospérité partagée. Un secteur privé de bâtisseurs, au service de l’intérêt général. »