« Être ouvert au dialogue est une question de principe, qu’aucune organisation sérieuse ne saurait réfuter », déclarait le regretté Saidou Kane, alors Vice-Président et Porte-Parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Cette affirmation souligne la valeur fondamentale du dialogue comme outil de résolution des conflits et de construction de l’unité nationale. Pourtant, en Mauritanie, cette noble idée se heurte à une réalité complexe : les dialogues successifs n’ont pas toujours produit les résultats escomptés, notamment pour les communautés noires qui continuent de se sentir marginalisées.
Cette tension entre la vertu du dialogue et son efficacité réelle invite à une réflexion profonde. Le dialogue national ne doit pas être un simple rituel politique ou une opération de communication. Il doit être un espace sincère, inclusif et orienté vers des résultats concrets. Sans cela, il risque de renforcer les frustrations et de creuser davantage les divisions.
Pour que le dialogue soit véritablement utile et porteur de changement, trois conditions essentielles doivent être réunies :
1. Des objectifs clairs et mesurables : Chaque partie prenante doit savoir ce qu’elle attend du dialogue. Il ne suffit pas de participer ; il faut que les attentes soient explicites et que les résultats puissent être évalués. Cela permet d’éviter les malentendus et les déceptions.
2. Des garanties de mise en œuvre : Trop souvent, les recommandations issues des dialogues restent lettre morte. Pour restaurer la confiance, il est impératif de mettre en place des mécanismes de suivi transparents et crédibles, qui assurent l’application effective des résolutions adoptées.
3. Une représentativité équitable : Le dialogue ne peut être légitime que s’il reflète la diversité réelle de la société mauritanienne. Toutes les composantes, y compris les plus marginalisées, doivent pouvoir y participer sur un pied d’égalité. L’inclusion est la clé de la légitimité et de l’efficacité.
En répondant honnêtement à ces questions, la Mauritanie peut transformer le dialogue national en un véritable levier de réconciliation, de cohésion sociale et de progrès partagé. Mais cela exige une volonté politique sincère, loin des calculs partisans et des stratégies dilatoires.
Il faut aussi reconnaître que, jusqu’à présent, ni les dialogues nationaux ni les processus électoraux n’ont permis de résoudre la question nationale. Ce sont plutôt les luttes populaires et les mouvements citoyens, souvent en marge des institutions officielles, qui ont contribué à faire avancer les droits et les revendications des communautés marginalisées.
Le dialogue est donc une bonne chose — une nécessité même — mais il ne peut réussir que s’il est porté par une sincérité réelle, une volonté de justice et une ouverture authentique à l’autre.
Abda Wone