Kaolack, capitale du Saloum, est à un tournant de son histoire. Et c’est une candidature pour le moins singulière qui vient bousculer le paysage politique local. Kilifeu de Keur Gi, nom de scène de Landing Bessane Seck, a officiellement déclaré sa candidature au poste de maire. Fondateur du mythique mouvement citoyen « Y’en A Marre » et Président du Conseil d’administration du « Grand Théâtre » de Dakar, Kilifeu n’est pas un homme politique traditionnel. Il est un artiste, un activiste, un homme de culture dont le parcours semble l’avoir naturellement préparé à cette nouvelle mission.
Le parcours d’un artiste ancré dans le réel
On ne peut comprendre la candidature de Kilifeu sans se pencher sur son cheminement d’artiste. Membre fondateur du groupe de rap Keur Gui, il a, dès les années 90, utilisé le microphone comme un mégaphone pour dénoncer les maux de la société : l’injustice, la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructures. Sa musique n’a jamais été une simple distraction ; elle était une école de la conscience citoyenne. Avec « Y’en A Marre » en 2011, il a transcendé la sphère artistique pour incarner un sursaut populaire historique, montrant sa capacité à mobiliser, à fédérer et à porter un projet de société axé sur la dignité et le respect du citoyen.
Son rôle au « Grand Théâtre » de Dakar n’est pas non plus anodin. Gérer une institution culturelle de cette envergure, c’est administrer, budgétiser, dialoguer avec diverses parties prenantes et veiller à l’épanouissement d’une communauté. C’est une preuve de sa capacité managériale et de sa vision pour un développement qui intègre la culture comme pilier essentiel.
Kaolack : une consécration au bénéfice des populations
Son élection à la mairie de Kaolack ne serait pas simplement une victoire politique ; elle serait la consécration logique d’un engagement de toute une vie au service du peuple. Pour les populations de Kaolack, souvent confrontées à des défis d’insalubrité, de gestion des déchets, d’enclavement et de manque d’opportunités pour la jeunesse, l’arrivée de Kilifeu pourrait signifier un vent nouveau.
Son passé d’homme de culture, proche des populations, est un atout considérable. Contrairement à un politicien de cabinet, Kilifeu a l’oreille collée au sol. Il connaît les rhythms, les aspirations et les frustrations de la rue parce qu’il en est issu et qu’il n’a jamais cessé d’y puiser son inspiration. Cette proximité est un gage de gouvernance participative. On peut facilement l’imaginer instaurant un dialogue permanent avec les quartiers, écoutant les doléances non pas dans un bureau climatisé, mais sur les places publiques, dans les « daaras » (ndlr : lieux de discussion) improvisés.
La culture comme levier de développement
Un maire Kilifeu, c’est la promesse d’une ville où la culture n’est pas un luxe, mais un outil de cohésion sociale et de développement économique. Il pourrait transformer les espaces publics en scènes à ciel ouvert, valoriser le patrimoine culturel riche de Kaolack, et créer des incubateurs pour les jeunes artistes de la région. La lutte contre l’insalubrité pourrait passer par des campagnes de sensibilisation artistiques et percutantes, à l’image des slogans de « Y’en A Marre ».
En somme, Kilifeu incarne l’espoir d’une politique renouvelée, plus humaine, plus à l’écoute. Son parcours démontre qu’il n’est pas un arriviste en quête de pouvoir, mais un serviteur qui répond à un nouveau appel. Kaolack, carrefour économique et culturel, mérite peut-être ce regard neuf, cette énergie créative et cette profonde connexion avec l’âme de ses habitants. Le jour où l’artiste deviendra maire, ce ne sera pas une fin, mais le début d’une nouvelle œuvre collective pour Kaolack.
B. TOURÉ