Dakarmidi – La méchanceté gratuite semble la chose la mieux et la plus partagée sur les réseaux sociaux actuellement au Sénégal.
Cette méchanceté semble étendre chaque jour un peu plus ses tentacules sans qu’on ne sache jusqu’où cela s’arrêtera. ! On assiste à une banalisation inouïe d’une méchanceté numérique, qui fait tomber le masque sur les réseaux sociaux.
Cette méchanceté abjecte, atemporelle, trouve de nos jours les conditions favorables à son épanouissement à travers les réseaux sociaux.
D’une part, par la course au sensationnel et aux faits divers (par exemple, Xalass reste l’une des émissions les plus écoutées sur le net au Sénégal et au niveau de la diaspora).
D’autre part, les sites les plus suivis trouvent leur bonheur dans le ridicule et le malheur des autres (sans filtres).
Enfin, et surtout, la possibilité pour tout un chacun, à l’ère du numérique, de se faire juge de tout sur fond de déclin de la parole donnée en politique et de l’ataraxie de la justice.
Mes terrains d’observation sont les forums, les réseaux sociaux (tous réseaux confondus) et bien sûr quelques scandales médiatiques qui ont jeté en pâture à l’opinion publique numérique des hommes ou des femmes qui ont eu le bad buzz de s’être fait avoir, de se tromper et de voir leur image ou leur voix être utilisées à d’autres fins ou tout simplement victimes de leurs succès.
Le summum de la méchanceté gratuite reste les conversations ou vidéos personnelles transférées en connaissance de cause via WhatsApp, Messenger ou Viber… à tous ses contacts, ou des vidéos envoyées à un site pornographique qui défraie régulièrement la chronique via la rubrique des faits divers et publiées dans l’intention manifeste de nuire.
Les commentaires de publications sur Facebook sont régulièrement le théâtre de règlements de comptes violents, méchants, en particulier lorsqu’il s’agit de sujets politiques, ethniques, religieux ou de faits divers de société. Toute cette méchanceté gratuite peut faire mal, très mal et peut détruire toute une famille..… Surtout quand l’effet mouton s’en mêle. La plus pernicieuse reste la méchanceté ordinaire, celle de tous les jours qui s’insinue dans les forums.
La méchanceté ainsi que la libération de la parole sur les réseaux sociaux ont abouti à une multiplication des meurtres symboliques, telles que la destruction de la parole de l’expert, la dévaluation systématique des politiques, des attaques ad hominem ou ad statutum, jusqu’à des incitations à la haine raciale, homophobiques ou ethniques.
La méchanceté ne relève évidemment pas essentiellement du domaine des réseaux sociaux. Cependant ceux-ci l’amplifient.
Des comportements que la plupart trouverait tout à fait intolérables dans la vie réelle, s’épanouissent sans complexes sur la toile.
Les années 2010 avec les réseaux sociaux qui rétro agissent sur tous les médias ont multiplié et malheureusement démocratisé cette méchanceté-spectacle. Aujourd’hui les sites internet, les forums, les réseaux sociaux ont prolongé ce mouvement, élargissant encore le terrain de la calomnie et de la haine. Pour cette raison on peut considérer qu’aujourd’hui tous les médias sont à l’ère des réseaux sociaux, quand bien même ils conservent leurs racines.
Qu’il s’agisse d’un discours polémique, d’un artiste ou d’un musicien, le but avoué ou pas des instigateurs est de les réduire au silence ou les inciter à quitter les réseaux sociaux. Le bashing et le trolling restent leur jeu préféré.
On peut citer pêle-mêle le lynchage de Souleymane Ndéné NDIAYE sur sa page Facebook, Pierre Goudiaby ATEPA accusé à tort d’être franc-maçon, Pama DIENG, le chanteur accusé de faire de la pornographie via un montage vidéo grossier, Bouba NDOUR de la TFM, Amadou SALL (fils du président), Wally SECK accusé d’être homosexuel, Balla GAYE accusé dans une vidéo pornographique, Cheikh Yérim SECK, la chanteuse Mbathio NDIAYE…la liste de personnes victimes des balles numériques est longue et n’est pas prête de s’arrêter…
Il n’est cependant pas facile de revenir sur ces scandales, tant à l’ère des réseaux sociaux, chacun se fait très vite une opinion, prompt à dénoncer ou condamner. Personne ne cherche à comprendre l’autre, le but est de les vouer aux gémonies.
A croire que sur les réseaux sociaux, se faire traiter de tous les noms d’oiseaux, être attaqué, être traîné dans la boue avec les commentaires les plus odieux, semble être socialement admis au nom de la liberté d’expression. Sous prétexte que nous sommes derrière un écran, un téléphone ou un ordinateur, nous oublions souvent que de l’autre côté, derrière l’écran, il y a un être humain, une famille, une communauté qui souffrent dans leur chair.
De ce fait beaucoup de sénégalais ont peur des réseaux sociaux, d’internet et des forums et refusent souvent d’y être. On remarque d’ailleurs que de plus en plus de personnes quittent Facebook, WhatsApp, Instagram ou Snapchat pour ne citer qu’eux.
Et portant le Sénégal est l’un des rares pays d’Afrique à disposer de deux divisions spéciales de lutte dédiées à la cybercriminalité. Tout d’abord un pôle d’expertise numérique créé par le Lieutenant-Colonel Issa Diack et logé à la caserne Samba Diery Diallo à la Gendarmerie de Colobane, à savoir la plateforme numérique de lutte contre la cybercriminalité qui sert d’appui aux unités de police judiciaire et la division spéciale de la cybersécurité de la division Police Nationale.
Pas besoin non plus de légiférer, en effet, la loi n° 2008-08 sur la cybercriminalité du 25 janvier 2008 au Sénégal, l’une des plus sévères et des plus complètes au monde, est très claire en son article 431-29 et 431-30, « quiconque détient des données à caractère personnel ou des enregistrements avec pour effet de porter atteinte à la considération, ou à l’intimité de sa vie privée sans son autorisation à la connaissance d’un tiers sera puni d’un emprisonnement d’un an à sept ans et d’une amende de 500.000 à 10.000.000 fcfa et la même peine s’applique pour quiconque aura produit, vendu, importé, détenu, diffusé ou cédé ou mis à disposition un équipement, un projet informatique ou tout autre dispositif adapté pour commettre ce type d’infraction ».
La loi 2008-08 dans son article 431-40 est également sans équivoque « est punissable de 6 à 7 mois de prison et d’une amende de 1 million à 10 millions de fcfa quiconque profère des insultes par la race, la couleur, l’ascendance, le groupe ethnique ou la religion. » Il suffit juste d’appliquer la loi, rien que la loi dans toute sa rigueur.
Ayant participé l’autre jour à l’UNESCO à Paris, en présence d’Emmanuel Macron à un Forum sur la gouvernance de l’internet, le débat portait sur la régulation de l’internet entre les Etats pour éviter que le réseau mondial ne meurt de ses propres excès… Je ne vois pas comment dans ces conditions les réseaux sociaux pourraient en échapper.!
Tous ceux qui, aujourd’hui, (toutes catégories sociales confondues) ne dénoncent pas les dérives constatées sur les réseaux sociaux où sont insultées toutes les religions, les juges, les politiques, les chefs d’entreprises, les stars, les sportifs, les journalistes, … dans le but d’avilir, de calomnier, d’injurier, participent directement ou indirectement au délitement de nos valeurs culturelles et civilisationnelles.
Comme le chante Youssou NDOUR dans son dernier opus sur les réseaux sociaux, « ba kagne, li ba kagne, bougne cii diogoulé dou bakh, ba kagne li ba kagne, moungui beugueu yakhe sougnoume rew »
Lamine NDAW
La rédaction