Rebasing : une actualisation statistique utile
Le Cercle des Cadres de la République des Valeurs (CECAR) salue l’achèvement du rebasing des comptes nationaux. Concrètement, c’est une opération technique qui permet garantir une couverture exhaustive des activités économiques du pays.
Comme en 2014, cette mise à jour statistique entraînera un relèvement du PIB nominal qui rendra mécaniquement certains indicateurs macroéconomiques plus « favorables ». Mais il faut être clair : ces chiffres plus flatteurs ne changent rien, pour l’instant, à la réalité économique que vivent les Sénégalaises et les Sénégalais au quotidien.
Des indicateurs plus reluisants, mais sans impact réel sur la vie des Sénégalais
Concrètement, le rebasing va faire baisser en apparence le taux d’endettement, le taux de pression fiscale et le poids du déficit budgétaire par rapport au PIB ainsi que le niveau du déficit courant rapporté au PIB.
Cependant, comme le montrent les chiffres du Projet de Loi de Finances 2026, ces éclaircies statistiques masquent une réalité autrement préoccupante :
• La dette publique atteint 119 % du PIB 119% du PIB (Base 2014), largement au-dessus de la norme UEMOA de 70 %
• 44 % des ressources totales servent uniquement à payer la dette (5 498 milliards FCFA)
• 70,9 % du besoin de financement de 2026 (soit 4 307 milliards FCFA) sert à rembourser des dettes anciennes plutôt qu’à financer le développement
• L’État prévoit encore 6 075 milliards FCFA d’emprunts nouveaux, dont une grande partie à court terme, accentuant la fragilité de la trésorerie
• Le déficit global se maintient à 1 245 milliards FCFA, soit 5,37 % du PIB, toujours au-dessus de la norme UEMOA
• Les hypothèses de croissance (5 %) et de pression fiscale (23,2 %) sont jugées irréalistes par le Fonds Monétaire International (FMI), qui estime la croissance 2026 plutôt à 3 %
• Les investissements exécutés par l’État restent insuffisants, tandis que les transferts aux collectivités reculent, accentuant la centralisation
Ainsi, même avec un PIB rebasé, les fondamentaux demeurent extrêmement fragiles.
Le rebasing n’améliore ni la soutenabilité ni la transparence
Le CECAR rappelle que le rebasing ne réduit aucune dette, ne crée aucune ressource nouvelle et n’améliore ni la trésorerie de l’État ni sa capacité à financer l’éducation, la santé, la sécurité ou l’emploi. Il ne corrige pas non plus les dérives constatées dans l’exécution budgétaire, en particulier l’envolée des subventions énergétiques et la hausse continue de la masse salariale, désormais portée à 1 532,8 milliards de FCFA, au-delà des critères de convergence dès lors que l’on réintègre les « salaires cachés », pour reprendre le lexique même du gouvernement.
La situation reste donc marquée par un endettement devenu difficilement maîtrisable, une dépendance toujours plus forte aux emprunts pour couvrir des dépenses courantes qui devraient normalement être financées par les recettes internes, des hypothèses fiscales manifestement surestimées qui fragilisent la crédibilité du cadrage budgétaire, une faible territorialisation des investissements qui accentue les déséquilibres entre les régions, et un recours excessif aux ressources de trésorerie, signe évident d’une tension financière persistante au sein de l’État.
Attention à l’instrumentalisation politique des chiffres
Le CECAR met en garde contre toute tentative de transformer le rebasing en outil de communication politique visant à :
• minimiser la gravité de la situation financière réelle,
• présenter artificiellement un redressement budgétaire inexistant,
• entretenir une illusion de performance alors que les finances publiques restent sous respiration assistée par l’endettement.
Nous rappelons que lors du rebasing de 2014, certains acteurs avaient accusé le gouvernement d’alors d’avoir « changé les bases de calcul ».
Aujourd’hui, le risque est inverse : utiliser le rebasing comme bouclier politique pour masquer des indicateurs détériorés.
Le rebasing n’est ni un succès économique, ni un outil d’amélioration de la gouvernance.
C’est simplement une mise à jour technique.
Transparence, rigueur et vérité des chiffres
Le CECAR appelle à une présentation pédagogique et honnête des effets du rebasing, afin que les citoyens puissent comprendre ce qu’il change réellement, et surtout ce qu’il ne change pas. Il est essentiel de distinguer clairement ce qui relève d’une simple amélioration statistique de ce qui constitue une véritable amélioration de l’économie réelle. Le débat national doit se concentrer sur l’essentiel : la soutenabilité de la dette, la qualité de la dépense publique, la relance de la production nationale, la création d’emplois durables et l’exigence de transparence ainsi que la réforme de la gouvernance.
Le rebasing ne doit en aucun cas devenir un outil destiné à maquiller une situation économique profondément dégradée. Les chiffres de la LFI 2026 montrent une économie sous tension, dépendante de l’endettement et reposant sur des hypothèses largement optimistes. Plus que jamais, le Sénégal a besoin de réformes structurelles sérieuses, d’une stratégie de production claire et d’une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques.
Le Cercle des Cadres de la République des Valeurs réaffirme sa détermination à éclairer l’opinion avec des analyses précises, responsables et fidèles à la vérité.
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